Journée mondiale du sida – 1er décembre 2022
Cette année, pour la Journée mondiale du sida, l’ONUSIDA a choisi le slogan « Poussons pour l’égalité ». C’est une notion puissante, et pour parvenir à l’égalité, il faudra disposer de ressources et remettre en question les façons actuelles de penser et de faire les choses en ce qui concerne le VIH, à l’échelle internationale et ici au Canada.
L’an dernier, pour la Journée mondiale du sida, Réalise avait publié une déclaration qui mettait l’accent sur le capacitisme et l’âgisme systémiques dans la réponse globale au VIH et annonçait son engagement à étudier ces problèmes au Canada dans les années à venir. Cette année, nous tenons à aller un peu plus loin et à partager avec vous les fruits de notre travail au cours de l’année écoulée.
Confronter le capacitisme – Dans le cadre de son projet canadien de 2022 sur le VIH et les invalidités, Réalise a entrepris une analyse de contexte nationale des ressources sur le VIH et l’invalidité, laquelle comprenait la revue de plus de 150 sites Web d’organismes de services aux personnes vivant avec le VIH de tout le Canada, la revue de plus de 100 sites Web d’organismes offrant des services aux personnes handicapées de tout le Canada et 12 entrevues auprès d’intervenants clés venant d’organismes de services aux personnes vivant avec le VIH et des invalidités. Les résultats seront bientôt publiés (surveillez notre site Web), mais en attendant, voici quelques-unes des conclusions préliminaires:
- Les personnes vivant avec le VIH et d’autres invalidités se heurtent à des obstacles systémiques à la santé, aux services sociaux et à l’inclusion communautaire.
- Les organismes communautaires de lutte contre le VIH et les organismes de services aux personnes handicapées dépendent souvent du financement du gouvernement et de dons de bienfaisance, et peuvent donc limiter la portée de leurs services à ce qui est financé.
- Compartimentation des programmes
- Transfert limité entre les programmes
- Stigmatisation du VIH – le VIH est sexualisé, moralisé et lié à « l’altérité ».
- Le VIH est une infection sexuellement transmissible, et très souvent, on met l’accent sur le changement de comportement et l’éducation.
- Notion que les « autres » attrapent le VIH.
- Les services et les organismes de lutte contre le VIH fonctionnent à pleine capacité et travaillent avec moins de soutien/fonds même si le nombre de cas et les besoins augmentent.
- Bien que de nombreux groupes estiment que des services sur mesure devraient être fournis aux communautés des personnes qui vivent avec des invalidités, les organismes sont limités dans la façon dont ils peuvent augmenter la portée de leurs services.
- Le modèle médical de l’invalidité et du VIH crée des soins et des services compartimentés. Les gens doivent s’adresser à différents fournisseurs pour faire en sorte de répondre à la totalité de leurs besoins.
- La prévention du VIH n’est pas considérée comme une priorité ou une nécessité par les organismes œuvrant dans le domaine des invalidités puisque les personnes qui vivent avec une invalidité ne sont pas considérées comme des êtres sexuels. La discussion porte sur l’abus ou l’exploitation sexuels, et non pas sur la santé sexuelle ou le plaisir.
- Les organismes de lutte contre le VIH doivent tenir compte de l’invalidité lorsqu’ils modifient leurs programmes pour inclure le vieillissement avec le VIH dans le continuum des soins.
- Un partage/renvoi centralisé des connaissances est nécessaire. Les organismes œuvrant dans le domaine des invalidités doivent développer de l’information/des programmes sur la santé sexuelle, même si ça vient de l’ASPC ou de sites de santé publique.
- Les gens passent entre les mailles du filet, même s’ils voient leurs praticiens pour obtenir des soins et des traitements liés à leur invalidité. Les préjugés inhérents limitent les conversations relatives à la sexualité.
Cette analyse de contexte est fondamentale au travail que Réalise entreprendra dans les années à venir pour combler le fossé entre les communautés du VIH et de l’invalidité et améliorer l’accès à l’information sur le VIH, aux traitements et aux mesures de soutien visant les personnes qui vivent avec des invalidités partout à travers le pays – un travail que nous avons également souligné en tant que co-organisateurs et hôtes de la zone de réseautage sur les invalidités à Sida 2022, à Montréal, l’été dernier.
Pour de plus amples renseignements sur le projet sur le VIH et les invalidités, communiquez avec Elizabeth Racz, chargée nationale de recherche et de programme à Réalise, à l’adresse eracz@realizecanada.org.
Confronter l’âgisme – Les personnes âgées qui vivent avec le VIH (65+) se heurtent souvent à l’obstacle systémique qu’est l’âgisme (parfois accompagné de capacitisme systémique) lorsqu’elles accèdent à l’information, aux soins, aux soutiens et aux services. Certains de ces obstacles systémiques ont été décrits dans une étude de recherche communautaire appelée The PANACHE Ontario Project: Preferences And Needs for Aging Care among HIV-positive Elderly people in Ontario, menée par Réalise et ses partenaires de recherche. Récemment, l’équipe à l’origine du projet PANACHE a reçu des fonds pour mener cette étude de recherche à l’échelle nationale.
Il est choquant de constater à quel point il a été difficile d’inclure les questions du vieillissement à l’ordre du jour international et national de lutte contre le VIH. La Conférence internationale sur le sida qui a eu lieu cette année à Montréal (Sida 2022) a été la première à approuver un espace de discussion pour les questions liées au VIH et au vieillissement (la Zone Argent), même si on avait essayé de le faire auparavant. Réalise était en charge de la Zone Argent, laquelle avait été organisée avec un certain nombre de partenaires du monde entier.
En 2020, on estimait à 7,5 millions le nombre de personnes de plus de 50 ans vivant avec le VIH dans le monde. Près de 40 % des personnes vivant avec le VIH dans les pays à revenu élevé auront au moins 60 ans d’ici dix ans. Et en 2040, plus de 9 millions de personnes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne auront plus de 50 ans. Ce sont plus que des chiffres. Ce sont des personnes, des organisateurs, des dirigeants communautaires, des aidants naturels et bien d’autres.
Frustrés par la lenteur de la réponse de la communauté mondiale à l’évolution démographique du VIH, les groupes à l’origine de la Zone Argent de Sida 2022 ont formé la Coalition internationale des personnes âgées vivant avec le VIH (iCOpe HIV). Ses membres fondateurs sont le European AIDS Treatment Group (EATG), le National AIDS Treatment Advocacy Project (NATAP, États-Unis), Réalise (Canada) et UTOPIA_BXL (Belgique). Ensemble, les membres ont rédigé un appel à l’action international appelé le Manifeste de Glasgow, ainsi nommé parce qu’il a été présenté à la communauté mondiale du VIH lors du Congrès international sur la pharmacothérapie du VIH (HIV Glasgow 2022), qui a eu lieu le 26 octobre dernier à Glasgow.
« Nos corps, cœurs, esprits et portefeuilles révèlent des cicatrices acquises pour construire la réponse moderne au VIH. En vieillissant, beaucoup d’entre nous développent plusieurs problèmes de santé chroniques, de la fragilité, des invalidités et/ou des changements cognitifs; nous sommes de plus en plus isolés socialement et nous sommes confrontés à l’âgisme, en plus de la stigmatisation liée au VIH et d’autres formes de discrimination. Notre indépendance, notre qualité de vie et notre longévité sont compromises et pourtant, la réponse au VIH n’évolue pas. Il est grand temps pour nous d’affirmer nos droits à la santé, à la dignité et au soutien! »
(du préambule du Manifeste de Glasgow, traduction libre)
Le manifeste présente 10 appels à l’action sur trois thèmes : les soins, la qualité de vie et l’habilitation. Lisez le texte intégral du Manifeste de Glasgow, y compris les 10 appels à l’action, ici (en anglais).
Les appels à l’action de la coalition ont trouvé écho chez de nombreuses personnes participant à la lutte mondiale contre le sida. Selon Kate Murzin (directrice nationale des programmes chez Réalise), « Depuis que le manifeste a été rendu public, le 26 octobre dernier, 118 organismes de lutte contre le VIH à travers le monde y ont souscrit – une vague de soutien que nous espérons traduire en action et en changement systémique ».
Pour plus d’information sur le Manifeste de Glasgow, veuillez communiquer avec Kate Murzin, à l’adresse kmurzin@realizecanada.org.